• Blue Hawaii

    Blue Hawaii

  •          Elle s’asseyait toujours à la même place. Sur un tabouret situé au bout du comptoir. Quand il n’était pas occupé par quelqu’un d’autre, bien entendu. Mais, en général, personne n’était assis là, probablement parce que le siège à cette place était le plus discret et le moins confortable de la salle. Un escalier, à l’arrière, faisait que le plafond était assez bas, en pente : on risquait toujours de se cogner en se levant si l’on ne faisait pas attention. La jeune femme était grande, et pourtant elle semblait étrangement aimer cet endroit exigu.

     

             Monsieur Lee se rappelait de la première fois que cette jeune femme était entrée dans son bar. Son apparence l’avait aussitôt frappé. D’abord parce qu’elle avait les cheveux d’une couleur peu commune, similaire à la couleur des prunes que son père récoltait dans son jardin lorsqu’il était enfant, et qu’il rangeait soigneusement dans son sac, chaque matin avant de partir à l’école. Mais également parce que, malgré sa taille, les gens autour d’elle dans le bar semblaient ne jamais la remarquer. Sans doute parce que, comme mentionné auparavant, elle s’asseyait toujours dans le coin du bar, probablement par timidité. Elle avait aussi les pommettes saillantes, et un large front recouvert par une épaisse frange.

     

    C’était le début de soirée d’une mi-janvier, il était 19h30, il n’y avait pas beaucoup d’autres clients.

      

            Min venait d’emménager à Tokyo, dans un quartier proche du centre, à dix minutes à pieds d’une station de métro à l’extrémité du quartier de Shibuya. Son logement était modeste, mais assez confortable pour une personne seule. C’était en plein hiver, et elle avait été prévenue lors de son arrivée par le propriétaire qu’il n’y aurait pas de chauffage jusqu’à la fin des congés d’hiver, autrement dit dans 5 jours. Il faisait très froid, Min décida donc de sortir acheter un chauffage d’appoint dans le centre commercial le plus proche de chez elle une fois qu’elle aurait terminé d’organiser le peu d’affaires qu’elle avait dans sa valise. Elle en profita pour faire le tour de quelques magasins sur le chemin avant qu’il ne commence à faire nuit.

     

    Sur le chemin entre la station de métro et son nouveau logement, Min jeta quelques coups d’œil aux devantures des magasins : il s’agissait en réalité de petits bars ou de restaurants au style traditionnel. Quelques mètres avant de tourner dans la ruelle où se trouvait son logement, elle aperçu une ruelle assez étroite, ornée de plusieurs lanternes rouges accrochées aux bâtiments, et un bar, tout au fond de cette même ruelle. A l’avant, il y avait un joli petit jardin japonais, dans lequel se trouvaient quelques bonzaïs, posés au sol sur les cailloux. Min décida de rentrer se changer et se recoiffer chez elle et de sortir de nouveau pour se familiariser avec son nouveau quartier.

     

    La jeune femme choisit cette place, à l’extrémité du comptoir, enleva son manteau, le suspendit à un crochet au mur et enleva ensuite son écharpe, qu’elle posa sur ses genoux. Elle chercha du regard un serveur, puis quand il arriva devant elle pour prendre sa commande, elle commanda un cocktail Blue Hawaii, d’une voix calme et posée. Puis sans un mot de plus, elle se mit à inspecter autour d’elle. Il s’agissait en fait d’un bar lounge jazz, qui passait des musiques de Van Morrison ou de Nat King Cole en fond. L’ambiance y était chaleureuse, il n’y avait que peu de monde ce soir là, sans doute car à cette période de l’année il faisait très froid et que les gens préféraient rester au chaud chez eux. Le comptoir se situait à droite de l’entrée, au centre se trouvait une petite scène avec un piano à queue à gauche et un micro sur pied en son centre, le tout entouré de nombreuses petites tables. Au fond se trouvaient des canapés rouges et des tables basses noires, l’endroit parfait pour bavarder entre amis tout en buvant un bon White Label. Les lumières étaient tamisées, l’éclairage était tout juste suffisant pour arriver à distinguer les personnes autour de soi.

    Elle continua à inspecter le lieu, s’arrêtant de temps en temps pour se plonger dans ses pensées. Au bout d’une demi-heure, la jeune femme commençait à bailler, elle se leva et régla sa consommation. Elle laissa sur le comptoir le montant exact, comme si elle voulait se séparer de sa petite monnaie. La jeune femme avait disparu, pourtant, sa présence continua à flotter quelque temps dans le bar. Alors que Monsieur Lee se tenait derrière le comptoir, occupé à laver les verres, il lançait des regards de temps à autre vers la place qu’elle avait occupée peu auparavant, comme si elle était encore là, comme si elle allait lever la main pour commander autre chose.

     

             La jeune femme se mit à fréquenter le bar assez régulièrement : une fois par semaine, ou, le plus souvent, deux. Elle commandait toujours un cocktail, toujours le même. De temps en temps, elle prenait un second cocktail, un différent, mais en général elle s’en tenait à un seul. Il lui était arrivé une fois, après longue réflexion, les yeux rivés sur le menu du jour écrit à la craie blanche sur le tableau noir, de commander un repas léger. Elle était devenue une habituée, mais la plupart du temps, en dehors de sa commande, elle ne disait pas un mot.

    Un soir de fin février, Monsieur Lee se décida à venir lui parler. «Blue Hawaii, le nom vous rappelle des souvenirs ?» dit-il.

    Min sursauta légèrement, ne s’attendant pas à ce que le barman lui adresse la parole en lui servant son cocktail. «Pardon ?» répondit-elle en haussant légèrement les sourcils.

    Monsieur Lee rigola. «Je suis simplement curieux. Je me demandais s’il y avait une raison derrière ce choix.»

    «Pas vraiment… Je trouve la couleur bleue en dégradé de cette boisson assez jolie… Et puis Hawaii, ça fait rêver.» La jeune femme esquissa un sourire, Monsieur Lee fit de même.

    «Je vous vois souvent venir ici en fin de semaine.

    - Oui, je vis tout près d’ici. Et puis le lieu est chaleureux, j’aime beaucoup venir ici. C’est un peu mon rendez-vous hebdomadaire pour me changer les idées.» dit la jeune femme en souriant.

    «Je vois. Je m’appelle Yeol. Yeol Lee. Je suis le gérant de ce bar.

    - Oh!» fit Min, surprise. «Je pensais que vous n’étiez qu’un barman. Enchantée.

    - Moi de même…-

    - Min. Min Shin.

    - Enchanté, Min.»

    Monsieur Lee lui esquissa un sourire avant de retourner à ses tâches, des clients lui faisant signe à l’autre bout du comptoir.

    Min, quant à elle, replongea dans ses pensées, se laissant bercer par le doux son du saxophone et par la sulfureuse mais puissante voix de la chanteuse sur scène.

    Lorsqu’il commença à se faire un peu tard, comme à son habitude, Min se leva et paya ses consommations sur le comptoir avec sa monnaie. Avant de pousser la porte du bar, elle jeta un discret coup d’œil en direction du gérant. Il la regardait aussi. Min lui lança un bref sourire, auquel il y répondit avec un sourire accompagné d’un petit hochement de tête, comme pour dire «à bientôt».

    Une fois chez elle, Min se laissa tomber sur son lit. Elle pensait aux évènements de la soirée, à sa brève conversation avec le gérant du bar, Yeol Lee. Elle devait avouer qu’elle n’était pas indifférente au charme de cet homme, sans doute âgé de la trentaine, trente-deux ou trente-trois ans tout au plus. Il était grand, avait les cheveux longs, la plupart du temps attachés en queue-de-cheval ou en chignon, selon son humeur (du moins c’est ce que Min s’imaginait). Elle fréquentait ce bar depuis bientôt deux mois, mais elle avait rarement eu l’occasion d’engager la conversation avec quelqu’un, en dehors de Monsieur Lee pour passer commande. Une fois qu’elle eut terminé de se ressasser les évènements dans sa tête, Min se décida et partit se démaquiller et se préparer pour dormir.

     

               Ce jour-là, il pleuvait. Une pluie légère qui faisait hésiter. Devait-on se munir d’un parapluie? En dehors de Min, il y avait quatre autres clients en costume sombre dans le bar. Il était 19h45. Min, comme à son habitude, était assise au bout du comptoir. Elle buvait lentement son Blue Hawaii tout en examinant la série d’alcools alignés sur une étagère, en face d’elle, comme si elle observait d’étonnants animaux empaillés venus de contrées lointaines. Les quatre hommes étaient assis au comptoir, près de la jeune femme, et buvaient une bouteille de Haut Médoc. En entrant, ils avaient sorti la bouteille d’une poche en papier et avaient demandé si, en échange d’un droit de bouchon de cinq mille yens, ils pouvaient boire leur vin sur place. Yeol Lee ne trouva aucune raison de leur refuser, il apporta de quoi déboucher la bouteille et leur apporta des verres ainsi qu’une coupelle de fruits secs. Il en profita pour remplir une seconde coupelle et l’apporta à Min, qui le remercia avec un sourire chaleureux.

    Au début, les quatre hommes bavardèrent paisiblement en buvant leur vin. Puis, ils se mirent à se disputer, ce qui attira l’attention de Min et de Yeol. Ils ne savaient pas de quoi il était question, mais il semblait bien qu’un grave désaccord les opposait. Ils s’échauffèrent de plus en plus, et leur différend se mua peu à peu en une violente altercation. Finalement, deux d’entre eux se levèrent en bousculant les tabourets, ce qui fit tomber Min au sol et l’un des verres, qui se brisa. Yeol se hâta de venir en aide à Min en lui attrapant la main, puis apporta un nouveau verre.

    Il était évident que le comportement de ces hommes en costume déplaisait fortement à Min et à Yeol. Le visage de Yeol resta imperturbable. Min quant à elle, de la main droite, se mit à tapoter sur le comptoir après s'être rassise, comme un pianiste qui teste les touches du clavier d’un nouveau piano. L’un des hommes posa son regard sur Min, sourcil droit levé. Min croisa son regard et fronça les sourcils, visiblement agacée par le bruit.

    «Tu crois que tu nous fais peur gamine?» lança ce même homme.

    «Non, je souhaiterais juste que vous fassiez un peu moins de bruit.» rétorqua Min.

    L’homme se leva lentement et alla se poster derrière le tabouret de Min, se collant contre son dos. Il arborait un sourire en coin, et chuchota à son oreille : «Tu ferais mieux de te la fermer si tu ne veux pas avoir d’ennuis, ma belle.»

    Yeol avait cru que leurs costumes étaient des articles de qualité mais, lorsqu’il les inspecta plus longuement, il comprit qu’il s’était trompé. Ils étaient ordinaires et les coutures n’étaient pas bien finies. Ces types n’étaient peut-être pas des yakuza, mais ils n’en étaient pas loin. Une chose était sûre, ils ne devaient pas avoir un métier très respectable. Il sentit que les choses risquaient de dégénérer. «Laissez la tranquille.» dit le gérant, sur un ton plus posé que de coutume, mais assez ferme pour faire passer le message. L’homme posté derrière Min eut un rictus, et dit «T’es un marrant toi.

    - Je vous prie de soit baisser d’un ton, soit de sortir de mon bar.

    - Uuh, tu crois pouvoir faire ta loi ici? T’as pas tout compris, laisse moi te remettre les idées en place mon gars.»

    Deux des trois hommes qui étaient restés assis se levèrent et vinrent se poster devant Yeol.

    «Pourquoi on ne sortirait pas? Histoire de discuter d’homme à homme, ce serait mieux pour s’expliquer, rétorqua le gérant.

    - Marché conclu mon gars.» répondit l’homme qui se tenait derrière Min, sans doute le leader du groupe, à en voir sa carrure. Il tira de son porte-feuille un billet de dix mille yens et le posa sur la table, avant de se diriger vers la sortie. Il se retourna et dit «Garde la monnaie et achète-toi d’autres verres à vin un peu plus classes. Parce que dans les tiens, le grand vin, on dirait de la bibine. C’est minable ici.»

    Les trois autres hommes attendaient que Yeol se dirige lui aussi vers la sortie.

    «En effet. A bar minable, clients minables, rétorqua le gérant. Cet endroit ne vous convient pas, je suis d’accord. Il y en a sûrement d’autres qui vous iraient mieux. Mais je ne sais pas trop où, en fait.

    - Il est marrant lui, décidément ! J’en peux plus tellement je rigole.

    - Ravi de vous faire autant rire.

    - C’est ça, c’est ça. En attendant, dis nous où tu crèches minable.» dit le leader du groupe, en se léchant consciencieusement les lèvres, tel un serpent devant sa proie.

    Min ne savait pas quoi faire pour aider Monsieur Lee, elle avait senti la tension qui régnait dans le bar et ne souhaitait pas envenimer la situation.

    Les cinq hommes ouvrirent la porte, et sortirent, Yeol le dernier. Il laissa les quatre hommes en costume avancer un peu, puis, subitement, revînt dans le bar et se précipita sur le verrou pour le tourner. Les hommes s’en rendirent aussitôt compte et se ruèrent sur la porte en tapant. «TU CROIS POUVOIR NOUS AVOIR GROS MINABLE, HEIN?» cria le leader en continuant de donner de forts coups sur la porte.

    Yeol enleva son tablier et le posa sur le comptoir dans la précipitation, éteignit les lumières et fit signe à Min de le suivre. Elle s’exécuta sans discuter et le suivit. Il ouvrit la porte située derrière le comptoir, en prenant soin de la fermer après que Min soit passée. Derrière la porte se trouvait un escalier, ils le gravirent et arrivèrent devant une autre porte, que Yeol ouvrit.

    Il s’agissait en fait de là où Monsieur Lee vivait, à l’étage juste au-dessus du bar.

    «On devrait être en sécurité ici, le temps qu’ils se fatiguent et partent.»

    Min ne savait toujours pas quoi dire.

    «Vous allez bien…?» demanda Yeol, inspectant le visage de Min.

    «Oui ! Oui, merci. Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas provoquer tout ça, je-

    - C’est pas de votre faute, ces types ne sont juste que des bons à rien. Ils finiront bien par partir.

    - Oui, oui, vous avez raison...»

    Yeol fit signe à Min de venir s’installer sur le canapé.

    «J’ai du jus de fruit dans mon frigo.

    - Oh, juste un verre d’eau ça ira, merci beaucoup.» dit la jeune femme en s’asseyant sur le canapé. Elle inspecta le lieu. L’endroit était propre, légèrement en bazar, sans aucune décoration extravagante.

    Le sol était en parquet, les murs tapissés d’un papier peint beige parsemé de tâches marrons vers le bas du mur. On percevait toujours le bruit du mécontentement des hommes en bas, à l’entrée du bar.

    Yeol revint dans le salon et posa deux verres d’eau sur la table basse devant le canapé, puis vint s’asseoir sur le fauteuil situé en face de Min, qui le remercia.

    «Ils sont plutôt coriaces, dit Yeol en lançant un regard vers la fenêtre, qui semblait donner sur la ruelle de l’entrée du bar.

    - Oui, je trouve aussi…»

    Yeol s’étira sur le fauteuil puis continua la conversation.

    «Alors comme ça, vous vivez près d’ici?

    - Oui, dans la rue parallèle à celle-ci. J’ai emménagé le mois dernier, je rentre tout juste d’Europe. Là bas je vivais à la campagne, et la vie de grande ville me manquait. J’ai donc décidé de venir m’installer à Tokyo.

    - Oh, vraiment? Mais vous êtes originaire du Japon, ou bien…? demanda Yeol, curieux.

    - Oui ! Je suis née au Japon, dans le sud du pays. Après le lycée, je suis partie faire mes études en Europe, j’ai toujours été attirée par cette culture, si différente de la nôtre.

    - Je vois. Je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller, malheureusement.

    - Voyager ne vous intéresse pas?

    - Non, non, tout au contraire. J’aimerais vraiment voyager, seulement je manque de temps et d’argent. Toutes mes économies sont parties dans l’ouverture de mon bar. A vrai dire, le local et cet appartement ne m’appartiennent pas. Tout ça appartient à ma tante. J’ai consacré la majeure partie de mes économies aux travaux nécessaires pour transformer le local en bar. Je me suis efforcé de choisir les matériaux les plus simples possibles afin de ne pas m’endetter, et j’ai pu récupérer ma chaîne stéréo JBL, je me l’étais offerte à la suite de mon divorce, à l’époque c’était un achat plutôt déraisonnable, affirma t-il en riant.

    - Vous avez déjà été marié? demanda Min, surprise.

    - Oui, oui… Mais ça s’était assez mal terminé… Curieusement, je ne ressens ni colère ni haine à l’égard de mon ex-femme. A vrai dire, c’était aussi de ma faute… J’ai été stupide.

    - Je vois...»

    Min se plongea quelques instants dans ses pensées, tandis que Yeol amena le verre d’eau près de ses lèvres et bu une gorgée.

    «Tiens, c’est devenu bien silencieux tout d’un coup.»

    Yeol et Min se levèrent et regardèrent par la fenêtre.

    «Vous pensez qu’ils sont partis? demanda Min.

    - Ça m’en a tout l’air.

    - Il commence à se faire tard, je vais rentrer. Je ne veux pas vous déranger, vous devez encore avoir des choses à faire au bar.

    - Non, vraiment vous ne me dérangez pas. J’ai été ravi de pouvoir discuter avec vous. Je vais vous raccompagner jusque chez vous, on ne sait jamais, ils pourraient très bien toujours être en train de traîner dans les environs.

    - Oui, merci, je veux bien, si ça ne vous embête pas...»

    Yeol et Min redescendirent en bas et Min récupéra son manteau. Yeol ouvrit la porte avec précaution, en regardant autour puis fit signe à Min qu’ils pouvaient y aller. Ils marchèrent côté à côte jusque devant le petit immeuble de Min.

    «Voilà, je vis juste ici, au troisième étage.

    - Très bien, je vais vous laisser alors.

    - Merci beaucoup de m’avoir raccompagnée. Faites attention en rentrant. dit la jeune femme en souriant.

    - Y’a pas de quoi. A la semaine prochaine !»

    Ils échangèrent un signe de la main en guise d’au revoir, puis Min rentra chez elle.

     

     

                 La semaine suivante, Min revint au bar, toujours en fin de semaine. Ce soir-là, Yeol resta longtemps au bout du comptoir, à discuter avec Min. Ils riaient joyeusement, parlaient de tout et de rien et se trouvaient même des passions communes. Min sentait que Yeol essayait de flirter de temps à autre, mais cela ne lui déplaisait pas, bien au contraire. Elle le trouvait charmant et intéressant. Elle était néanmoins toujours assez timide, et parlait seulement quand on lui posait une question. Le reste du temps, elle l’écoutait parler.

    Puis deux semaines passèrent, sans que Min ne vienne au bar. Yeol passa devant la rue où elle vivait, mais là encore, aucune trace de la jeune femme. Il aurait voulu lui envoyer un message, mais il n’avait pas pensé à lui demander son numéro de téléphone. Yeol se disait qu’elle devait être très occupée et qu’elle viendrait sûrement la semaine suivante.

    Et il avait vu juste. La troisième semaine du mois de mars, il vit Min franchir le pas de la porte en fin de soirée. Il lui fit signe de venir s’asseoir, et elle s’exécuta sans attendre. Il la rejoignit au bout du bar et la salua.

    «Vous revoilà ! Je commençais à m’inquiéter, dit-il sur le ton de la plaisanterie.

    - Oui, je suis désolée ! J’ai du retourner à Kobe en urgence, ma famille a eu quelques soucis…

    - Je vois, tant que tout est réglé maintenant, tout va bien.»

    Min acquiesça en guise de réponse.

    «La même chose que d’habitude, je suppose ?

    - Oui, dit Min, amusée.

    - Hop !» Yeol attrapa deux bouteilles et prépara le cocktail de la jeune femme en un tour de main.

    Yeol était occupé par les clients, néanmoins, il venait converser avec Min dès qu’il avait un peu de temps. Lorsqu’ils ne discutaient pas, ils se lançaient des regards, en souriant.

    Au bout d’une heure, les clients se faisaient de plus en plus rares. Yeol vint rejoindre Min au bout du comptoir. Il s’installa en face d’elle et ils échangèrent un long regard, mais cette fois-ci, sans un sourire. Min fut distraite par le bruit d’un groupe de clients un peu arrosés qui sortaient, non sans difficulté.

    «Seungwoo, tu abuses sur l’alcool à chaque f-HIC! fit le plus grand du groupe, en titubant.

    - C’est toi qui dit ça Minhyu-HIC!» répondit son ami, en s’esclaffant à la suite du hoquet.

    Min les regardait sortir, amusée. Elle croisa à nouveau le regard de Yeol, qui la regardait toujours. Elle regarda autour d’elle, elle se trouvait être la dernière cliente présente dans le bar. La musique en fond était un son plutôt doux, une instrumentale au saxophone d’une chanson connue, mais elle n’arrivait pas à se rappeler du titre. Elle posa de nouveau son regard sur Yeol, qui jeta un bref coup d’œil à la porte située derrière le comptoir. Il vint la rejoindre sur le tabouret à côté du sien. Min le suivait du regard. Il attrapa sa main, s’approcha lentement de son visage et l’embrassa. Min fut surprise, mais après tout, «pourquoi pas?». Ils s’embrassèrent pendant un long moment, délicatement. Les lèvres de Min se détachèrent tout doucement de celles de Yeol. Ils se regardèrent à nouveau, sans échanger un mot, puis Yeol serra la main de Min et l’entraîna avec lui derrière le comptoir, en éteignant les lumières au passage. Ils ouvrirent la porte, grimpèrent les escaliers et en une fraction de secondes, ils s’étaient retrouvés dans la chambre de Yeol. Min n’eut pas vraiment le temps de réfléchir, il l’embrassa de nouveau en l’entraînant sur son lit.


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